L’OHADA n’aurait pas été une organisation incarnant le droit et la justice qu’on aurait pu songer à «amender» sa « constitution »… En fait, on ne serait pas juste charmé par l’adjectif « inamovible » si les ministres des 17 pays membres n’avaient pas su trouver en la personne d’un autre professeur de droit, Emmanuel Sibidi Darankoum, un successeur au professeur Dorothé Cossi Sossa. En effet, c’est cet universitaire expert des questions de droit international des affaires et de l’arbitrage qui a été désigné , par appel ouvert à candidatures, pour présider désormais l’exécutif de l’OHADA.
La règle mise en œuvre à la faveur de ce changement se pose en creux de l’article 40 du Traité relatif à l’harmonisation du droit OHADA établi à Port-Louis en Île Maurice le 17 octobre 1993, et modifié par le Traité de Québec du 17 octobre 2008.
« Le Secrétariat Permanent est l’organe exécutif de l’OHADA. Il est dirigé par un Secrétaire Permanent nommé par le Conseil des Ministres pour un mandat de quatre ans renouvelable une fois ».
C’est ainsi au bout de 8 ans soit deux mandats puisqu’en poste depuis mars 2011, que le Béninois Dorothé Cossi Sossa laisse la charge à son successeur.
Bilan non exhaustif
L’Agrégé des facultés de droit qu’est le secrétaire sortant laisse un actif important. In concreto, on doit à cet ancien avocat et ministre, d’avoir fait entrer l’OHADA dans une dynamique de modernisation. On peut notamment évoquer les phases 1 et 2 du projet d’amélioration du climat des investissements (Paci) ; un partenariat de 7,5 milliards de FCFA passé avec la Banque mondiale.
Il est à retenir que c’est sous l’ère Sossa que les RCCM (registre de commerce et de crédit mobilier) ont commencé à être numérisés ou encore que les actes uniformes sur la médiation, les sociétés coopératives se sont faits jour. Les reformes du droit de la faillite, celui des sociétés commerciales et celui de la comptabilité des entreprises ont été portées à terme. C’est sous son égide qu’on peut également placer la prise en compte du numérique en matière de preuve.
Le Pr. Cossi Sossa laisse également un actif d’ouverture de l’OHADA sur la scène africaine et internationale. En effet, alors que le Maroc et Madagascar ont été mis en orbite de la mouvance OHADA, on peut reconnaître au Secrétaire sortant d’avoir su accompagner l’entrée en matière de la République démocratique du Congo. Difficile aussi de faire abstraction des multiples présences du chef sortant sur la scène internationale ou encore de l’intérêt portée par la Chine, à titre illustratif.
Lire également : L’OHADA prépare son master professionnel
Une dynamique nouvelle a pu également être impulsée au niveau de l’Ecole régionale supérieure de magistrature de l’OHADA, l’Ersuma. Autant le cycle de formation s’est étendu et accéléré, autant un nouveau Master professionnel et une formation à distance ont été initiés.
Toutefois, quelques projets se rangent au passif ou plutôt restent en attente et seront peut-être mis sur les rails par le Pr Sibidi Darankoum. Tel est le cas de la construction du siège du secrétariat permanent à Yaoundé en dépit des contraintes financières, le rayonnement du fonds de promotion de l’arbitrage (et de la médiation ?) dans l’espace OHADA crée en 2012 au Bénin et les actes uniformes tel que celui relatif au crédit-bail ou aux transactions électroniques.
Curriculum Vitae simplifié du Professeur Dorothé Cossi SOSSA, Secrétaire Permanent de l’OHADA
Si l’on se fonde sur un référent normé, le rapport Doing Business de la Banque mondiale, celui de 2012 (à son arrivée) et celui de 2017 (aux vêpres de son mandat), on doit dire que le Pr. Cossi Sossa laisse une marque positive. En effet, selon ces deux rapports, les reformes des actes uniformes faites sous l’égide du Secrétaire sortant n’ont pas été inutiles [pour dire le moins] sur la création des entreprises, l’exécution des contrats et le règlement de l’insolvabilité : trois domaines auxquels le droit OHADA a fait du bien selon la Banque mondiale.
On peut d’ailleurs lire dans le Rapport Doing Business de 2017 sur l’OHADA que “La plupart des réformes ont été adoptées en 2013/14 (27) et 2015/16 (32), soit les années où les révisions des Actes uniformes de l’OHADA — depuis 2011 — ont été prises en compte par Doing Business“.
Le bilan est donc appréciable même s’il faut néanmoins mesure garder vis-à-vis des bienfaits du dynamisme du droit OHADA car les Etats-membres ont également fait de gros efforts de réformes.
Ecole canadienne
Autant Emmanuel Sibidi Darankoum, le secrétaire entrant est enseignant des universités canadiennes, autant le Pr. Sossa est un produit émoulu au Canada. En effet, le Béninois est un fruit des universités d’Ottawa et de Laval où il s’est structuré à la recherche en master 2 et par la suite, pour y décrocher son doctorat en droit en 1994. Il y retourne d’ailleurs toujours dispenser le droit, à Sherbrooke notamment. En fait, il partage son expertise en enseignant dans une trentaine d’universités à travers le monde.
Lire aussi : Un nouveau siège pour l’Organisation d’harmonisation africaine du droit des affaires
L’un dans l’autre, le Secrétaire sortant ploie sous une lourde expérience. En fait, cet ancien ministre béninois (justice, enseignement supérieur, relations extérieures), Doyen de faculté, consultant et avocat au barreau du Bénin, n’aura que trop l’embarras pour s’occuper après le secrétariat de l’OHADA.
En tout état de cause, il reste difficile de croire qu’il s’éloignera par trop de l’OHADA puisqu’il y dispense des formations de haut niveau.
__________________________________________________________________________
*Les autres personnes nommées par le Conseil des ministres de l’OHADA :
Au Secrétariat Permanent : Directeur des Ressources Humaines, du Matériel et de l’Administration Générale : M. Thibaud Nambogona (Centrafrique) ; Directeur Financier et Comptable : M. Patrice Omgba (Cameroun) ; Auditeur Interne : Mme Mahoula Aïssatou Koné (Côte d’Ivoire).
A la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) : Juristes référendaires : M. Charles Ribgoalinga (Burkina Faso) et M. Mamadou Koné (Côte d’Ivoire) ; Documentaliste en chef : M. Abdel Kader Babatounde Kpadonou (Bénin)
A l’École Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) : Directeur des Études : Dr Karel Osiris Coffi Dogue (Bénin) ; Directeur de la Recherche et de la Documentation : Dr Édouard Kitio(Cameroun); Juriste-Traducteur-Interprète (Français-Anglais-Français) : M. Laurent Houngnibo (Bénin) ; Juriste-Traducteur-Interprète (Français-Espagnol-Français) : M. Felipe Arnold Edjela Mwindé (Guinée Équatoriale) ; Documentaliste en chef : Mme Dia Édith Coulibaly Traoré (Burkina Faso).
_____________________________________________________________________________
Willy S. ZOGO