CEMAC | LBC-FT : La COBAC prépare un règlement sur les diligences des banques, EMF et établissements de paiement en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux


Par Dr ZOGO |


Le projet de règlement COBAC relatif aux diligences des établissements assujettis en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique centrale est en cours d’examen. Que prévoit le gendarme bancaire à l’égard des assujettis que sont les établissements de crédit ; les établissements de microfinance ; les établissements de paiement ; les intermédiaires en opérations de banque ; les bureaux de change et les holdings financières sur base consolidée ?

Cette réforme en cours s’inscrit dans le sillage du règlement n°01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique Centrale. Sa première articulation porte sur l’évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et l'application d’une approche basée sur les risques. A ce titre, la COBAC renforce l’exigence de compréhension et d’évaluation des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme et de la prolifération. Ainsi, la COBAC insiste sur l’obligation selon laquelle, « les établissements assujettis doivent veiller en permanence à sensibiliser leur personnel sur les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et de la prolifération auxquels ils sont exposés. »

De même, le gendarme bancaire raffermit aussi la gestion et l’atténuation des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme et de la prolifération en postulant l'exigence d'« une allocation efficiente des ressources au sein du régime de LBCFT et de la mise en œuvre de mesures fondées sur les risques pour toutes les diligences prévues par la règlementation ». Aussi, chaque établissement assujetti doit démontrer à la COBAC et, le cas échéant, à toute autre autorité de contrôle compétente la pertinence de son évaluation, de sa gestion et de son atténuation des risques de BCFT. La COBAC renforce aussi l’obligation de vigilance permanente sur toutes les opérations de la clientèle et les relations d’affaires.

BENEFICIAIRES EFFECTIFS ET CONTRATS D'ASSURANCE-VIE

Dans ce projet de règlement, la deuxième articulation porte sur la connaissance des clients, des personnes agissant pour leur compte et des bénéficiaires effectifs qui implique que les assujettis se doivent de repérer les types de clients susceptibles de poser un risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, compte tenu de leur profil de risque. La COBAC met un accent sur l’identification des bénéficiaires effectifs des clients personnes morales et constructions juridiques et des contrats d’assurance-vie. A ce titre, dans ce projet, l’article 23 prévoit que « les établissements assujettis s’assurent de l’identité des associés ou actionnaires de leurs clients personnes morales et de leurs bénéficiaires effectifs, y compris, pour les fiducies, les trusts, les fondations et les constructions juridiques similaires. A cet effet, les établissement assujettis comprennent la structure de propriété et de contrôle de ces personnes morales et constructions juridiques et s’assurent qu’elles ne sont pas un prête-nom ou une société écran. »

De plus, si le client ou le propriétaire d’une participation de contrôle est une société cotée sur un marché boursier et assujettie (en vertu des règles de ce marché, de la loi ou d’un moyen contraignant), à des obligations de publication visant à garantir une transparence satisfaisante des bénéficiaires effectifs, ou est une filiale majoritaire d’une telle société, les données d’identification pertinentes peuvent être obtenues à partir des registres publics, auprès du client ou d’autres sources fiables.

ORGANISMES A BUT NON LUCRATIF ET TECHNOLOGIES DIGITALES

Une autre articulation du projet porte sur la vigilance renforcée dans les cas de clients et d’activités spécifiques à l’instar des Organismes à But Non Lucratif (OBNL considérés comme des constructions juridiques ou des organismes qui sont impliqués dans la collecte ou la distribution de fonds pour des motifs caritatifs, religieux, culturels, éducatifs, sociaux ou confraternels ou pour d'autres types de « bonnes œuvres ».) ; des Personnes Politiquement Exposées et des Correspondants bancaires transfrontaliers et autres relations similaires. Pour ce dernier cas, les établissements assujettis, lorsqu’ils concluent des conventions avec des correspondants bancaires transfrontaliers et autres relations similaires, notamment celles établies pour opérer des transactions sur des valeurs mobilières ou des virements électroniques de fonds pour leur propre compte à l’étranger ou pour le compte de leur client, en plus des mesures de vigilance normales relatives à la clientèle, doivent s’assurer que le correspondant est agréé et soumis au contrôle des autorités compétentes de son pays d’origine ou du pays où il est établi et évaluer le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et la prolifération mis en place par ce correspondant bancaire.

LA COBAC EVOQUE LES CRYPTOACTIFS MAIS FORCEMENT LES CRYPTOMONNAIES

Dans le même sens, la COBAC exige une surveillance particulière des nouveaux produits et de l’utilisation des nouvelles technologies, à ce titre, le projet évoque les actifs virtuels compris comme des représentations numériques d’une valeur qui peut être échangée de manière digitale, ou transférée, et qui peuvent être utilisées à des fins de paiement ou d’investissement. Les actifs virtuels n’incluent pas les représentations numériques des monnaies fiduciaires, titres et autres actifs financiers qui font déjà l’objet d’autres dispositions des Recommandations du GAFI. Il en est de même pour la monnaie électronique comprise comme une valeur monétaire stockée sous une forme électronique, y compris informatique ou numérique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise à la valeur nominale contre remise de fonds, aux fins d'opérations de paiement et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que son émetteur, sans faire intervenir de compte bancaire ou de paiement dans la transaction.

Dans un autre sens, si elle exige que l’assujetti doit déclarer systématiquement les opérations et les affaires issues des pays tiers à risque plus élevé, la COBAC prévoit des mesures simplifiées de vigilance à l’égard de la clientèle pour les clients et les produits qui présentent un faible risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. Le texte reprécise par ailleurs les normes sur l’obligation de déclaration des opérations suspectes et l’opposition à l’exécution d’une opération ayant fait l’objet d’une déclaration de soupçon, ou encore sur le traitement des opérations des personnes inscrites sur des listes de sanctions financières ciblées, l’obligation de déclaration des transactions en espèces ou d’instruments négociables au porteur (de plus de 5 millions de FCFA).La COBAC appelle en outre à une adéquation du dispositif de contrôle interne dans la prévention et la détection du risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

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En l’état actuel, le règlement COBAC R-2005/01 du 1er avril 2005, relatif aux diligences des établissements assujettis en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en Afrique Centrale reste en vigueur. Mais, ce nouveau règlement devra l’abroger et le remplacer dès son adoption attendue en 2024. En rappel, il faut indiquer que dans le cadre de la mise en œuvre de la supervision basée sur les risques en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, la COBAC :

  • (a) évalue l’adéquation de l’évaluation des risques effectuée par les établissements assujettis avec l’évaluation nationale des risques nationaux,
  • (b) évalue l’adéquation et l’efficacité des contrôles mis en place par les établissements assujettis pour remplir leurs obligations en matière de blanchiment de capitaux et réduire au maximum les risques y afférents ; et
  • (c) prend, en fonction du niveau de risque encouru, un ensemble de mesures proportionnées à l’égard des établissements assujettis qui ne respectent pas leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT).