LIQUIDATION DE SAMARITAN INSURANCE : Les droits des créanciers violés

Toutes les personnes qui se revendiquent d’être créancières de la compagnie d’assurance Samaritan Insurance mise en liquidation par ordonnance judiciaire du 29 mars 2018, doivent prendre l’attache du syndic pour produire leurs créances. Cependant, le droit des procédures collectives OHADA et celui des annonces légales sont visiblement mal appliqués … au plus grand risque des droits des revendicateurs potentiels  …

L’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives et d’apurement du passif dans l’espace de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) du 10 septembre 2015 est clair sur la question. En son article 78, il est précisé que :

« à partir de la décision d’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens et jusqu’à l’expiration d’un délai de soixante (60) jours suivant la deuxième insertion dans un journal d’annonces légales de l’Etat partie concerné (…), tous les créanciers composant la masse, à l’exception des créanciers d’aliments, doivent, sous peine de forclusion, produire leurs créances auprès du syndic. Les créanciers domiciliés hors du territoire national où la procédure a été ouverte bénéficient d’un délai de quatre-vingt dix (90) jour pour produire leurs créances. La même obligation est faite au créancier qui a introduit, avant la décision d’ouverture, une procédure en condamnation en vertu d’un titre ou à défaut de titre, pour faire reconnaître son droit. La production interrompt la prescription extinctive de la créance. »

Cet article de droit est cité par le communiqué, le premier, datant du 13 août 2018, signé par le liquidateur autrement appelé syndic, Mme Marie Louise Bodo, accompagnée du juge-commissaire ou contrôleur M. Félix Nkengni, juge au Tribunal de Grande Instance de Yaoundé Mfoundi.

Les droits violés

En de termes moins formels, toutes les personnes qui revendiquent de l’argent à la compagnie Samaritan Insurance en cours de liquidation, doivent aller présenter les preuves de leurs dettes attendues devant le liquidateur. Cette présentation qui juridiquement renvoie à la production de créances doit se faire à l’ancien siège de la compagnie liquidée, c’est-à-dire au lieu-dit l’Hôtel de ville de Yaoundé (Cameroun).

Rappelons qu’on dit « créanciers dans la masse », tous les créanciers dont la créance est antérieure à la décision d’ouverture, même si l’exigibilité de cette créance était fixée à une date postérieure à cette décision. Dans le cas d’espèce, toutes les créances doivent être nées avant le 29 mars 2018.

Cette production doit ainsi se faire dans les délais, faute de quoi les concernés vont perdre leur droit au sens de la « prescription extinctive » en d’autres termes, ils seront forclos. Ces créanciers peuvent avoir des sûretés ou être chirographaires. Dans le premier cas, cela veut qu’ils justifient de garanties accordées à eux par Samaritan et dans le second, il n’en ont pas.

Cependant, il apparaît que le communiqué du liquidateur ne s’appuie pas sur le bon droit. En effet, au lieu de citer l’article 78 nouveau et reformé avec l’Acte Uniforme de 2015, Mme Bodo semble avoir puisé dans les délais de l’ancien article 78 du même texte. En conséquence, c’est un délai de 15 jours plus 30 jours qu’elle accorde aux créanciers au lieu de 60 jours comme voulu par le nouvel article.

RÉACTION D’EXPERT

Me Joel DONGMO ZANGUE Avocat au Barreau du Cameroun, Doctorant en droit privé

” Il s’est sans doute agi d’une erreur de la part du syndic qui n’a pas pris en considération l’évolution du législateur OHADA en la matière. Mais cette erreur est lourde de conséquence quand on sait qu’en matière de procédure, les délais sont d’ordre public. On en vient à se demander quelle est la valeur juridique de cette publication faite à la page 18 du Cameroun Tribune n°11658/7857 du 13 août 2018 ?

Le défaut de production de la créance dans le délai imparti entraîne la forclusion et consécutivement l’inopposabilité de ladite créance à la masse des créanciers et au débiteur. La réduction des délais de production de créance porte donc lourdement atteinte aux droits des potentiels créanciers. Un plaideur pourrait s’en prévaloir pour obtenir du juge commissaire un relèvement de forclusion.

Par ailleurs on constate, non sans regret compte tenu de l’atmosphère sociopolitique actuelle du Cameroun, que ladite publication a été faite exclusivement en langue française. Pourtant, le Décret n°2013/234 du 18 juillet 2013 portant règlement des annonces légales et judiciaires dispose à son article 4 qu’ « À peine de nullité, les annonces légales et judiciaires visées à l’article 2 ci-dessus sont insérées en français et en anglais dans les journaux paraissant au Cameroun ».

Voilà encore qui renforce la question de la valeur juridique de ladite publication. Le liquidateur aura l’occasion de se rectifier lors de la seconde publication. Elle y a d’ailleurs intérêt.”

En rappel, avant sa mise en liquidation pour cessation de paiement, la compagnie Samaritan Insurance a été placée sous administration provisoire puis suspendue par décision de la Commission régionale pour le contrôle des assurances (CRCA) de la Conférence inter-africaine des marchés d’assurances (CIMA).

Willy Stéphane ZOGO