CEMAC : Comment le marché financier promeut l’investissement de l’épargne salariale

La Commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale (Cosumaf) ainsi que les autres législateurs de la zone Cemac encadrent les offres d’investissement faites aux salariés par les entreprises auxquelles ils appartiennent. Toutefois, dans la pratique, les entreprises étrangères installées dans la zone CEMAC excellent dans cet exercice, toute chose qui porte une incidence juridique. Comprendre le processus et les enjeux pour un marché financier de la Cemac en pleine mutation…

 Les salariés d’une entreprise peuvent se voir offrir la possibilité de devenir actionnaires de l’entreprise pour laquelle ils travaillent. Dans ce sens, l’entreprise peut soit leur faire une attribution gratuite d’actions, soit leur laisser le choix d’acquérir lesdits titres par la technique dite des Stock-options (option d’acquisition des actions de leur entreprise). L’achat des actions de son entreprise par le salarié peut s’opérer directement ou par l’intermédiaire d’un fonds d’investissement spécialement conçu pour ce type d’opération,  on parle alors de Fonds commun de placement d’entreprise (FCPE).


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Sur le marché financier nouvellement unifié autour de la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique Centrale (Bvmac), la mise en valeur de l’épargne des salariés gagne du terrain. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer, à titre illustratif, la Décision n° Cosumaf-APE-02-20 portant visa de la note de synthèse de l’opération d’actionnariat salarié du groupe français de bâtiments et travaux publics Vinci S.A., dénommée Castor International 2020.

Levée de fonds via un FCPE en CEMAC : cas de Castor international

Par la Décision de la Cosumaf citée plus haut, les salariés des filiales et succursales camerounaises du Groupe Vinci que sont Sogea-Satom et Cegelec, se sont vus proposer la souscription à une offre d’actions ordinaires émises par Vinci S.A.. Une souscription réalisée par voie d’augmentation de capital réservée aux salariés éligibles et par cession d’actions existantes et détenues par Vinci S.A.

Concrètement, au plan global, Vinci a permis à ses salariés éligibles d’acquérir 22.696.412 € soit environ 14. 887.870.654  FCFA, ce qui revient à 9.078.565 actions ordinaires d’une valeur nominale de 2,5 €, soit 1640 FCFA chacune.  Le délai de souscription pour les salariés des filiales camerounaises du Groupe s’est étendu du 18 mai au 5 juin 2020.

Dans le cas d’espèce, les souscripteurs  éligibles étaient les salariés actifs du  Groupe Vinci justifiant d’une ancienneté de 6 mois au titre du contrat de travail au cours de la période de 12 mois précédant le dépôt de leurs bulletins de souscription. Relevons que le prix de souscription sera payé au moyen de retenues salariales.

Entreprises étrangères et place du droit des marchés financiers Cemac

Un constat doit être dégagé. Ce sont les entreprises étrangères et en particulier les multinationales représentées en zone Cemac qui semblent mieux comprendre les avantages de la valorisation de l’épargne salariale (ces avantages sont notamment la mise en confiance et l’implication des salariés).

En effet, déjà avant la fusion BVMAC-DSX, on se souvient qu’au Cameroun, la défunte Commission des Marchés Financiers avait pris des décisions dans allant dans le même sens. Il s’agit notamment la Décision n°006/03/CMF/17 du 14 mars 2017 portant visa de la note d’information relative à l’émission d’actions du groupe Total S.A. réservée aux salariés de Total Cameroun S.A.


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Revenons au marché unifié et à cette dernière levée de  fonds visant l’épargne salariale. Notons que, le FCPE « Castor International Relais 2020 » classé par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) française comme Fonds d’Investissement Alternatifs (FIA) a été agréé en France le 23 octobre 2019 spécifiquement pour les besoins de cette opération. A terme, ce FCPE « Castor International Relais 2020» sera absorbé par le FCPE « Castor International » à la date du 6 juillet 2020.  

D’ailleurs, cette opération de fusion-absorption a déjà reçu l’agrément de l’AMF. A la même date (6 juillet 2020), Vinci S.A. va procéder à l’augmentation de son capital social et, le FCPE « Castor International » détiendra pendant une période bloquée de 3 ans les actions qui auront été souscrites par les salariés de Vinci, ainsi que celles qui leur seront attribuées gratuitement.

Le problème à ce stade réside dans le fait que, le droit français n’est pas opposable à la Cosumaf. Ainsi, pour se conformer aux articles 61 et 290 du Règlement Général de la Cosumaf, Vinci a du établir un document d’information simplifié et désigner un correspondant établi en zone Cemac, à savoir Asca Asset Management, pour soumettre ledit document d’information  au visa de la Cosumaf avant sa diffusion et commercialisation de l’offre auprès des salariés intéressés.

Effectivement, selon  l’article 290 précité, « les établissements gestionnaires non-résidents (Amundi en l’espèce) peuvent mandater un correspondant établi en zone Cemac (Asca Asset Management en l’espèce) aux fins d’assurer la commercialisation d’un OPCVM constitué et géré par eux. Le correspondant visé au précédent alinéa doit être désigné parmi les établissements gestionnaires agréés par la Cosumaf. La commercialisation des OPCVM étrangers est soumise à la production d’un document d’information simplifié. Ce document est soumis au visa préalable de la Cosumaf avant toute communication au public et avant toute commercialisation de l’OPCVM ».

Dans ce cadre, Asca Asset Management peut recevoir les correspondances émanant de la Cosumaf et lui transmettre tous documents et informations prévus par les dispositions légales et réglementaires ou répondant à toute demande d’information formulée.

Une fiscalité avantageuse

En principe, la réglementation Cemac entend favoriser fiscalement les investissements dans tout produit placé sur le marché financier. Il s’agit notamment du Règlement n°1407-UEAC-175-CM-15 portant institution d’un régime fiscal spécifique applicable aux opérations cotées à la BVMAC du 19 mars 2007. Les articles 11 et 12 de ce texte encadrent fiscalement les FCPE en exigeant que 70% des investissements des fonds salariaux soient placés sur des actions cotées à la Bvmac. Sauf que dans l’espèce, ni l’OPCVM (organisme de placement collectif des valeurs mobilières, ensemble auquel appartient le FCPE) Castor international, ni Vinci S.A ou ses filiales ne sont cotés à la Bvmac. Du coup, le droit fiscal applicable est le droit national de la juridiction où se déploie la commercialisation donc le Cameroun. (Sur ce point voir : TRIBUNE/CAMEROUN : Les fondamentaux de l’impôt sur les revenus des capitaux mobiliers )

Contrainte de changes

En application de l’article 101 du Règlement n° 02/18/CEMAC/UMAC/CM du 21 décembre 2018 portant réglementation des changes dans la Cemac, la commercialisation des valeurs mobilières étrangères est soumise à une déclaration préalable ou à une autorisation préalable de la BEAC, selon que l’opération porte sur un montant inférieur ou supérieur à 50 millions FCFA. Dans l’espèce Vinci S.A. , la procédure devant la BEAC sera tributaire du produit résultant du maximum que chaque salarié éligible peut souscrire et du nombre total de salariés potentiellement concernés.

On se souviendra à ce stade que ce montant de 50 millions de FCFA est celui retenu par l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E. en son article 81-1 pour caractériser le seuil de l’appel public à l’épargne.


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S’agissant du transfert à l’étranger des sommes destinées au paiement des titres issus de l’opération d’actionnariat étranger, une autorisation préalable de la BEAC est requise, à charge pour elle d’en informer le ministère en charge de la monnaie et du crédit du pays concerné. Dans l’occurrence de Vinci S.A. au Cameroun, il s’agit bien du ministère des finances.

En tout état de cause, ce mécanisme de fidélisation des salariés par l’entreprise mérite d’être davantage promu en zone Cemac. Elle contribuerait de facto à booster cette liquidité que le marché unifié appelle de tous ses vœux, tout en contribuant à l’éducation financière du public.

 Willy S. ZOGO