UEMOA : La loi uniforme sur les infractions boursières adoptée

La Décision n ° CM/07/709/2021 portant adoption de la loi uniforme relative aux infractions boursières sur le marché financier régional de l’UMOA a été signée le 23 septembre 2021. Un cadre juridique fort attendu pour la consolidation de la protection des investisseurs boursiers dans la sous-région.

Désormais, toute attitude qui a pour but de porter atteinte au juste jeu des transactions ayant cours sur le marché financier régional, quel que soit leur lieu de négociation, peut régulièrement être sanctionnée sur la base d’un corpus juridique clair. En effet, le Conseil des Ministres de l’UMOA vient de combler un vide juridique qui freinait la sécurité des investissements boursiers depuis la création de cette place financière africaine.

PRÉVENTION DES ATTEINTES À LA TRANSPARENCE DU MARCHÉ

La loi uniforme met tout d’abord en avant le cadre préventif.  C’est dans ce sens que les opérations suspectes doivent par exemple faire l’objet de déclaration ; ainsi, tout intervenant sur le marché ou structure de gestion du marché agréé ou habilité conformément à l’Annexe est tenu de déclarer sans délai au Conseil Régional, par écrit et selon les formes prévues par la réglementation, toute opération effectuée pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, sur un actif ou un produit négocié sur un marché financier, dont il a des raisons de suspecter qu’elle pourrait constituer une infraction légale.

Dans le même sens, en matière de déclaration d’informations privilégiées, toute entité faisant appel public à l’épargne est tenue, sans délai, de porter à la connaissance du Conseil Régional et du public toute information privilégiée qui la concerne directement. (Art 8).

De même, il est institué une obligation de déclaration au Conseil Régional, dans les 5 jours de bourse suivant la réalisation de l’opération concernée, toutes informations relatives à toute acquisition, cession, souscription ou tout échange d’actif ou produit émis par une entité faisant appel public à l’épargne, négocié sur un marché financier, lorsqu’une toute opération est réalisée par le PDG, ses relations et toute personne clé.

RÉPRESSION DES ATTEINTES À LA TRANSPARENCE DU MARCHÉ

Aux termes de l’Article 19, il ressort que la violation de l’obligation de déclaration est punie d’une amende d’un à 20.000.000 de Francs CFA pour toute personne qui contrevient sciemment à toute obligation de déclaration lui incombant. Il en est de même pour ce qui est du défaut de publication d’information privilégiée par toute entité faisant appel public à l’épargne.

Par ailleurs, la non-déclaration de franchissement de seuil est punie pareillement pour toute personne physique ou morale qui s’abstient de remplir les obligations d’informations auxquelles elle est tenue.

L’article 23 de l’Annexe de la Loi prévoit pour le délit d’initié, un emprisonnement d’un an à 5 ans et d’une amende de 5.000.000 à 50.000.000 de Francs CFA, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple du montant de l’avantage tiré du délit, sans que l’amende ne puisse être inférieure à cet avantage, tout initié détenteur d’une information privilégiée sur la situation d’un émetteur ou les perspectives d’évolution des valeurs mobilières de l’émetteur et qui, en connaissance de cause, réalise ou permet de réaliser, directement ou indirectement, une ou plusieurs opérations sur un marché financier avant que l’information ne soit accessible au public.

Le cas de récidive implique que le maximum de l’amende est prononcé, que l’auteur ait tiré ou non un profit de l’infraction. Les personnes morales déclarées pénalement responsables du délit d’initié sont punies d’une amende de 25.000.000 à 250.000.000 de Francs CFA, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple du montant de l’avantage tiré du délit, sans que l’amende ne puisse être inférieure à cet avantage.

Plusieurs autres incriminations et peines ont été retenues par le Conseil des Ministres, cela concerne notamment ;

  • La violation du monopôle de négociation en Bourse
  • La violation des formalités d’information du public à l’émission de valeurs
  • La souscription frauduleuse de parts
  • La violation des opérations d’emprunt irrégulières
  • Les obstructions aux missions d’enquête ou de contrôle du Conseil Régional.
PROCEDURE DEVANT LES JURIDICTIONS NATIONALES  

Dans chaque pays membre, la compétence territoriale est précisée dans la Loi uniforme. Pour poursuivre les infractions, le procureur de la République du lieu de commission des infractions a été désigné.  Ce dernier est saisi sur rapport du Conseil Régional, sur plainte d’un acteur du marché, ou encore sur dénonciation. Mais, il peut également s’autosaisir lorsqu’il a connaissance de la commission d’une des infractions prévues par la Loi uniforme.

L’article 46 de l’Annexe précise que Tout acteur du marché qui s’estime lésé par un acte relevant des infractions prévues par la Loi uniforme, peut mettre directement en mouvement l’action publique, selon les modalités prévues par le droit de l’Etat où l’infraction a été commise.  Lorsque des poursuites pénales sont engagées sur le fondement de la Loi Uniforme, le Conseil Régional peut exercer les droits de la partie civile. L’action publique pour la répression des infractions boursières en UEMOA se prescrit par 3 années révolues si, dans cet intervalle, il n’a été fait aucun acte de poursuite ou d’instruction.

En dernière analyse, notons que l’Article 51 institue la transaction en retenant que, l’action publique est également éteinte par la transaction intervenue entre le Conseil Régional et la personne poursuivie et, le cas échéant, avec la victime de l’infraction. Toutefois, la victime qui n’a pas transigé avec la personne poursuivie conserve son droit à réparation devant les juridictions civiles. Et, en cas de transaction avec une personne poursuivie, le Conseil Régional en informe le Procureur.

Rappelons qu’à compter du 23 septembre date de signature de la décision portant Loi uniforme, les Etats membres de l’UMOA ont été appelés à prendre dans les 6 mois, des dispositions nécessaires en vue de l’insertion de la loi uniforme dans leur ordre juridique interne.

Willy ZOGO