DROIT BOURSIER CONTINENTAL : Quels problèmes juridiques liés au Projet d’interconnexion des Bourses Africaines – African Exchanges Linkage Project (AELP) ?

Intervenant dans un contexte africain marqué par l’érection de la Zone de libre échange africaine (Zlecaf) , l’African Exchanges Linkage Project (AELP) est un projet phare de l’African Securities Exchanges Association (ASEA) et de la Banque africaine de développement (BAD) visant à faciliter les échanges transfrontaliers de titres en Afrique. A cheval entre 9 juridictions boursières  ( BRVM, Maroc, Egypte, Afrique du Sud, Kenya, Nigéria, Ghana, Botwana et Maurice) représentatives de 90 % de capitalisation continentale, cette initiative louable ne va pas sans soulever des questions juridiques et contractuelles.

L’AELP est un projet dont l’ambition ne peut être que saluée. Son propos est d’améliorer la profondeur et la liquidité des marchés de capitaux africains et favoriser les flux d’investissement entre les bourses participantes en permettant certaines facilités. Ainsi, les bourses ayant acceptées de se prêter au jeu vont profiter d’une négociation transfrontalière de titres à l’aide d’un système d’acheminement des ordres (plateforme technologique AELP Link). Cette plate-forme canalise les ordres entre les courtiers en valeurs mobilières des bourses participantes. Au rang de ces Bourses, il s’agit de la : 

  1. Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (http://www.brvm.org/)
  2. Casablanca Stock Exchange (http://www.casablanca-bourse.com)
  3. The Egyptian Exchange (https://www.egx.com.eg)
  4. Johannesburg Stock Exchange (https://www.jse.co.za/)
  5. Nairobi Securities Exchange (https://ngxgroup.com/)
  6. Nigerian Exchange (https://ngxgroup.com/)
  7. Stock Exchange of Mauritius (https://www.stockexchangeofmauritius.com/)
  8. Ghana Stock Exchange (https://gse.com.gh)
  9. Botswana Stock Exchange  (https://www.bse.co.bw

Ainsi, un courtier en bourse sponsorise la transaction sur la bourse hôte par la suite, la conservation et le règlement sont effectués sur la bourse hôte, conformément aux règles et pratiques du marché. Le courtier promoteur et le dépositaire local sont impliqués et les informations sur les transactions sont diffusées en direct entre les bourses liées et les participants au marché.

En outre, les participants s’engagent à promouvoir les actifs et titres cotés en Afrique et créer de nouveaux produits et titres sur les bourses liées afin que les gestionnaires d’actifs, les courtiers en bourse, les investisseurs institutionnels et les investisseurs individuels puissent identifier diversement les opportunités d’investissement sur les marchés africains. Un autre objectif consiste à favoriser les levées de capitaux transfrontalières et les offres publiques initiales (IPO) tout en développant les capacités entre les Bourses et en stimulant la collaboration entre les régulateurs des marchés de capitaux, les banques centrales et les dépositaires centraux.

PISTE DE PROBLÉMATIQUES JURIDIQUES

Indiquons que, dans le cadre de l’AELP, tous les instruments et les titres qui sont cotés sur les bourses participantes et qui sont accessibles aux investisseurs étrangers par l’intermédiaire d’un courtier local seront admissibles à la négociation par l’intermédiaire de l’AELP Link.

Au minimum, quatre types de problèmes peuvent se poser dans la mise en oeuvre du projet African Exchanges Linkage Project (AELP). On peut envisager :

  • Les litiges entre les sociétés de courtage boursier de différentes places boursières engagées sur une opération sponsorisée ; 
  • Les litiges liés à la nature et la portée de la responsabilité du courtier local et courtier étranger sponsor à l’égard du client (investisseur ou émetteur) final ;
  • Les litiges liés à la nature et la portée de la responsabilité des teneurs de comptes titres  et espèces local et les teneurs de comptes étranger sponsor à l’égard du client (investisseur ou émetteur) final ; 
  • Les litiges liés au change. 

De manière concrète, l’investisseur qui veut mener une opération sur un marché étranger doit passer par l’intermédiaire de son courtier du marché local qui doit avoir une relation de place avec un courtier membre en règle de la bourse où la transaction sera exécutée. Une fois qu’il demande à son courtier local de soumettre un ordre, celui-ci devient le courtier local sponsorisé et le courtier de la Bourse où la transaction sera exécutée devient le courtier sponsor. Cependant, il est précisé que le lien juridique reste prégnant avec le courtier local pour toutes questions.

Concrètement, selon la conception du projet, une fois que le courtier local a conclu un accord avec le courtier sponsor de la bourse (“bourse hôte”) où l’investisseur souhaite acheter ou vendre des titres, l’exécution de la transaction suit les pratiques du marché de cette bourse étrangère. De même, le règlement se fait selon le calendrier et les pratiques de cette Bourse.

Toutefois, en fonction des situations et de la relation entre les deux sociétés de courtage ainsi que des pratiques du marché, dans le cas d’un ordre d’achat, l’investisseur peut transférer des fonds à l’avance (préfinancement) ou convaincre les parties que des fonds sont disponibles. Si l’investisseur vend, les délais normaux de transfert international de ce marché peuvent être nécessaires pour transférer les fonds sur les comptes destinataires à partir du système de règlement de la bourse hôte. 

A noter que les transactions sont effectuées dans la devise de la bourse hôte et doivent être réglées dans cette même devise. Si l’investisseur achète, il est possible de transférer des fonds à l’avance, généralement par les canaux bancaires habituels. Si l’investisseur vend, il doit prendre des dispositions pour transférer les fonds sur son compte et, là encore, probablement recours est fait aux banques. Les taux de change (FX) sont fonction des taux proposés ou à négocier auprès des banques concernées.

LA PROBLÉMATIQUE DE LA RÉGULATION ET DU CONTENTIEUX

Rappelons que l’AELP doit trouver le point d’équilibre entre les différentes réglementations des 9 bourses impliquées. Ainsi par exemple pour ce qui est de la tarification, l’AELP ne prescrit pas de frais aux courtiers, puisqu’il s’agit d’un arrangement commercial avec leurs clients et selon la pratique des Bourses participantes.

Cependant, le comité directeur de l’AELP a recommandé aux courtiers que le coût total de la transaction ne soit pas plus élevé que si l’investisseur s’adressait directement au courtier sponsor. Cela signifie que les courtiers doivent s’efforcer de partager une seule commission de courtage et celle-ci doit être divisée entre le courtier sponsor et le courtier sponsorisé (courtier d’origine) conformément à leur accord. Les autres frais et dépenses sont liés au transfert de fonds et à d’autres activités.

Cependant, selon le contrat fondateur du projet, le comité exécutif, principal organe directeur de l’ASEA et donc de l’AELP est chargé de coordonner le projet. Toutefois, chaque transaction transfrontalière sera réglementée par l’organisme de réglementation de l’hôte, c’est-à-dire l’organisme régulateur de la bourse où la transaction est exécutée.

Par ailleurs, les litiges seront régis par l’autorité de réglementation (y compris lorsque la Bourse est une entité autoréglementée et/ou l’autorité de réglementation du marché des capitaux) du marché où la transaction a été exécutée (“Bourse hôte”). Lorsqu’il y a un différend transfrontalier entre des courtiers, celui-ci sera régi par l’accord en vigueur entre les deux sociétés de courtage. Nous pensons ici à l’arbitrage ad hoc. 

En fait, Il incombe à chaque courtier local de trouver un courtier étranger avec lequel travailler et d’établir une bonne relation de travail, notamment en mettant en place des accords appropriés. Les deux sociétés de courtage devront apprendre à se connaître et à se faire confiance, notamment en procédant à des vérifications préalables. Le comité juridique de l’AELP a préparé un accord type entre les courtiers, mais il ne s’agit que d’un canevas. Chaque courtier doit rédiger son propre accord et une copie doit être envoyée et approuvée par le secrétariat de l’ASEA avant que le lien entre les courtiers ne puisse être mis en ligne .

En toute hypothèse, si la filiale d’un courtier en valeurs mobilières est membre de la bourse où le client du courtier souhaite négocier, le courtier peut utiliser cette filiale comme courtier sponsorisé sur cette bourse. Enfin, chaque bourse fonctionne selon ses heures et jours de négociation normaux et dans son fuseau horaire. Les accords finaux doivent encore être négociés avec le fournisseur de la plateforme d’acheminement des ordres, AELP Link. Cependant, il est probable que les ordres peuvent être mis en file d’attente s’ils sont soumis pendant que l’autre marché est fermé. Tout un contentieux donc autour de la BEST EXECUTION en vue…

Willy ZOGO