UMOA | CONTENTIEUX BOURSIER : L' AMF-UMOA retire les agréments de la Société de Gestion SGO CITITRUST et de son Fonds de placement, comprendre


Willy ZOGO  | 


Le Conseil Régional de l'Epargne Publique (CREPMF) devenu Autorité des Marchés Financiers (AMF) UMOA, a prononcé le 16 septembre 2022, à l'encontre de la société CITITRUST ASSET MANAGEMENT, le retrait de son agrément en qualité de Société de Gestion d'Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (SG-OPCVM) sur le marché financier Régional de I'UMOA pour manquements graves à la règlementation du marché financier régional. Dans la foulée, l'agrément accordé au Fonds Commun de Placement CITITRUST Fixed Income, par décision numéro CREPMF/2022/043 du 15 avril 2022, sous le numéro FCP-2022-01, est incidemment frappé de caducité. Pourquoi ?

La CITITRUST bank

Ce qui est reproché à la CITITRUST sur le marché financier tient essentiellement de : 

  • la violation des articles 588 et 591 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du GIE (AUDSCGIE) lors de l'augmentation du capital social et des articles 374 et 375 de I'AUDSCGIE lors de la transformation de la SARL en SA, en vue de l'obtention d'agrément en qualité de SG-OPCVM ;
  • le non-respect des conditions d'agrément en violation de l'article 5 de l'Instruction 66/CREPMF/2021 relative aux Organismes de Placement Collectif (OPC) et à la Société de Gestion sur le Marché financier.

LES FAITS

En clair, Morissouali CISSE, PCA de la SGO CITITRUST, Jean Bernard Eponou, DG de la SGO CITITRUST à l'époque des faits et le cabinet Ernst Young Côte d'Ivoire,Commissaire aux Comptes de ladite SGO, ont été entendus selon le principe du contradictoire par le CREPMF pour les faits dont la teneur est la suivante. 

Dans le cadre du suivi des activités des acteurs du marché financier, le Secrétariat Général du Conseil Régional de l'Epargne Publique et des Marchés Financiers (CREPMF) a relevé à l'encontre de la SGO CITITRUST Asset Management (SGO CITITRUST), des manquements contenus dans le rapport de flagrance n 0 CR/SG/DA/12-2022 transmis aux dirigeants et au Commissaire aux Comptes de la SGO, en annexe à leurs courriers de convocation en audition du 1 er septembre 2022. Dans les faits, la SGO CITITRUST Asset Management, constituée à la base sous forme de Société à Responsabilité Limitée (SARL) avant sa transformation en Société Anonyme (SA) depuis le 25 mai 2020, a été agréée par le Conseil Régional lors de la 74ème réunion de son Comité Exécutif, tenue le 15 avril 2022, en qualité de Société de Gestion d'Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM), de même que son FCP sous gestion CITITRUST FIXED INCOME.

La mission d'audit des comptes de l'exercice 2021 du Commissaire aux Comptes titulaire de la SGO CITITRUST, en l'occurrence le Cabinet Ernst Young Côte d'Ivoire, dont les résultats ont été notifiés aux administrateurs en date du 20 juillet 2022, fait ressortir la constatation d'irrégularités ayant entaché d'une part, la transformation de la future SGO en SA et, d'autre part, les opérations relatives à la structure du capital social. Il convient de relever que la transformation litigieuse a été opérée sans rapport d'un Commissaire aux Comptes certifiant, sous sa responsabilité, que les capitaux propres sont au moins égaux au capital social, contrairement aux dispositions des articles 374 et 375 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt Economique (AUSCGIE) qui prévoient, en outre, la nullité comme sanction de la transformation réalisée en violation de cette formalité préalable. 

Par ailleurs, le Commissaire aux comptes titulaire a indiqué que les deux opérations d'augmentation de capital ont été initiées sur la base du rapport du Commissaire aux Comptes suppléant, le Cabinet PKF, en l'absence d'empêchement de sa part, notamment par suite de démission ou de révocation. Pour le Commissaire aux Comptes titulaire, le rapport produit, dans ces conditions, par le Commissaire aux Comptes suppléant sans que le titulaire n'ait été saisi au préalable, n'est pas conforme aux dispositions des articles 588 et 591 de I'AUDSCGIE. De ce fait, les délibérations y relatives devraient être frappées de nullité.

Dans le même registre, il a été noté une surévaluation à hauteur de 242 millions de FCFA, dans le cadre des opérations d'augmentation de capital par incorporation de créances. En effet, des avances en compte-courant ont été faites par la société mère au profit de CITITRUST, sa filiale, et rémunérées au taux de 60%, en violation des dispositions de la loi 2014-810 du 16 décembre 2014 portant définition et répression de l'usure en Côte d'Ivoire et du plafond applicable dans la zone UEMOA qui est respectivement de 15% pour les établissements de crédit et 24% pour les Systèmes Financiers Décentralisés ainsi que les autres agents économiques. Au final, l'application de ce taux « usuraire » a généré des intérêts d'un montant de 162 millions de FCFA ayant servi à l'opération d'augmentation de capital. De même, une dette initialement libellée en monnaie étrangère (Naira), et n'ayant pas fait l'objet de réévaluation, a été incorporée au capital social. La réévaluation de ladite dette, à la date de l'opération d'augmentation de capital, fait ressortir une surévaluation d'un montant de 80 millions de FCFA. A l'analyse, la situation capitalistique de la SGO CITITRUST, en tenant compte de la surévaluation de 242 millions de FCFA, ramènerait son capital social à un montant de 204,5 millions de FCFA au 31 décembre 2021, contre 446,5 millions de FCFA lors de la constitution complète de son dossier qui a servi à son agrément, et 250 millions de FCFA représentant le minimum réglementaire imposé par la nouvelle règlementation applicable aux acteurs de la Gestion Collective, à compter du 1 er janvier 2022.

En définitive, le rapport du Commissaire aux Comptes fait état d'irrégularités lors de la constitution de la SGO CITITRUST, en tant que Société Anonyme remplissant les critères définis par le Conseil Régional, qui pourraient entrainer la nullité des décisions et délibérations prises à cet égard.

Compte tenu de ce qui précède et au vu de la gravité des irrégularités relevées, le Conseil Régional a, à l'issue de la consultation à domicile de ses membres du 19 au 24 août 2022, décidé d'ouvrir une procédure de sanction à l'encontre de la SGO CITITRUST par l'audition du PCA de la SGO CITITRUST, du DG de la SGO CITITRUST et du Commissaire aux Comptes, à savoir le Cabinet Ernst Young Côte d'Ivoire. 

Les convocations du Président du Conseil d'Administration, du Directeur Général et du Commissaire aux Comptes leur ont été transmises respectivement par correspondances n O SG/SJ/2022/1669, n O SG/SJ/2022/1670 et n O SG/SJ/2022/1671 du septembre 2022 à l'effet de les entendre lors de la session du 16 septembre 2022. Ces derniers disposaient de 5 jours calendaires avant la date de leur comparution pour déposer leurs observations valant contredit au Secrétariat Général du CREPMF. Pourtant, selon le CREPMF, le Commissaire aux Comptes n'a pas produit d'observations valant contredit et les dirigeants de la SGO CITITRUST en ont produit  le 12 septembre 2022, donc hors délai.

COMMENT LE CREPMF A MOTIVE LE RETRAIT D'AGREMENT 

Sur le grief tiré des irrégularités relevées lors des opérations d'augmentation de capital en violation des articles 588 et 591 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du GIE (AUDSCGIE) et de la transformation de SARL en SA sans rapport d'un Commissaire aux Comptes certifiant, sous sa responsabilité, que les capitaux propres sont moins égaux au capital social, en violation des dispositions des articles 374 et 375 de I'AUDSCGIE. Attendu qu'il est reproché à la SGO CITITRUST d'avoir procédé à la transformation juridique de la SARL en SA sans rapport du Commissaire aux Comptes, en violation des dispositions de l'article 374 et 375 de I'AUDSCGIE et réalisé les opérations d'augmentation de capital sur la base du rapport du Commissaire aux Comptes suppléant en l'absence d'empêchement du titulaire, en violation des articles 588 et 591 de I'AUDSGIE. Qu'en réponse la SGO, par la voix de ses dirigeants, excipe lors de l'audition que le Conseil d'Administration a initié des actions avec l'aide d'un conseil juridique et comptable qui est chargé de la régularisation de cette irrégularité. Qu'il est constant que la SGO en procédant à une telle déclaration reconnaît sans ambages son manquement et s'inscrit plutôt dans une logique de régularisation. Qu'il y a lieu de rappeler que I'AUDSGIE sanctionne de la nullité, les actes entachés par les irrégularités susmentionnées. Qu'il convient de déplorer et condamner l'attitude de la SGO qui a manqué de rigueur, sincérité et loyauté à l'endroit du Régulateur.

Sur le grief tiré de la surévaluation d'un montant total de 242 millions de FCFA dans le cadre des opérations d'augmentation de capital par incorporation de créances du fait des avances en compte-courant accordées par la société mère et rémunérées au taux de 60% et de l'absence de réévaluation d'une dette initialement libellée en monnaie étrangère (naira). Attendu que cette irrégularité a été relevée par le Commissaire aux Comptes titulaire de la SGO dans son rapport du 1 er Août 2022 transmis au CREPMF. Attendu que la SGO semble remettre en cause les conclusions du Commissaire aux Comptes sur les irrégularités relevées lors des opérations d'augmentation de capital notamment la surévaluation des montants. Qu'au-delà des divergences techniques et de l'avis éventuel du Conseil National de la Comptabilité (CNC) saisi à cet effet pour trancher, il convient de relever que ces irrégularités ne sont que le prolongement du manquement originel, reconnu par la SGO à savoir l'absence de saisine préalable du Commissaire aux Comptes principal avant la réalisation des opérations litigieuses.

Le CREPMF retient par ailleurs qu'en déduisant les montants subséquents à la surévaluation, sur la base du rapport du Commissaire aux Comptes, digne de foi, le capital social de la SGC), est estimé à 204,5 millions de FCFA au 31 décembre 2021 contre un minimum réglementaire de 250 millions de FCFA, en violation flagrante des conditions d'agrément édictées par l'article 5 de l'Instruction 66/CREPMF/2021 relative aux Organismes de Placement Collectif (OPC) et à la Société de Gestion sur le Marché financier. Cette disposition veut que le CREPMF n'accorde l'agrément à une Société de Gestion d'OPC que si les conditions sont remplies, à savoir que la Société de Gestion d'OPC est constituée sous la forme de société anonyme avec un capital social initial minimal de 250 millions de FCFA. Qu'au regard de ce qui précède, la SGO n'aurait pas obtenu l'agrément du CREPMF s'il avait eu connaissance desdites irrégularités au moment de sa décision et par conséquent, il apparaît que le Régulateur a été lourdement trompé par la société CITITRUST qui a clairement recouru à des moyens irréguliers.

De fait, le gendarme du marché financier qui dit avoir a accordé l'agrément à la SGO CITITRUST Asset Management et à son FCP CITITRUST Fixed Income sur la base d'une forme juridique acquise et d'un capital social constitué, en violation des dispositions applicables en la matière, s'est vu obligé de déclarer la SGO CITITRUST Asset Management indigne de l'agrément du CREPMF en qualité de Société de Gestion d'Organismes de placement collectif en Valeurs Mobilières.