UMOA : Que dit la directive encadrant les partenariats public-privé (PPP) du 30 septembre 2022


Esther Péronne NGO BAYIHA  | 


En juin 2012, la Conférence des Chefs d’États et de Gouvernements de l’UEMOA avait donné l’instruction du développement d’une démarche communautaire pour l’encadrement et la promotion des Partenariats Public-Privé dans l’espace de l’UEMOA en réponse au rapport du Haut Comité ad-hoc sur le Financement des Économies des États membres.

Six ans après cette instruction, plus précisément le 09 novembre 2018, les ministres sectoriels de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) tenaient une rencontre à Ouagadougou sous la présidence de Madame HADIZATOU Rosine COULIBALY/SORI, Ministre de l’Économie, des Finances et du Développement du Burkina Faso. Ont été abordés lors de cette rencontre, l’examen et la validation des projets de stratégie et de textes juridiques d’encadrement des Partenariats Public-Privés (PPP) dans l’espace UEMOA, l’objectif étant d’une part, d’attirer les investisseurs et d’autre part, de protéger les intérêts des États membres.

Quatre ans après cette rencontre, le 30 septembre 2022, le Conseil des ministres de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine a adopté la directive n°01/2022/CM/UEMOA portant cadre juridique et institutionnel des Partenariats Public-Privé dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine. Cette directive, s’articulant autour de 50 articles, soulève de nombreux points dans le régime juridique des Partenariats Public-Privé, mais nous nous appesantirons uniquement sur les points saillants de cette directive.

L’extension de la définition de la notion d’« autorité contractante » aux entités privées

Conformément à l’article 1er alinéa 1 de la directive, on entend par Autorité contractante :

  • les personnes morales de droit public
  • les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général, ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, dont  soit l'activité est financée majoritairement par une autorité contractante,  soit la gestion est soumise à un contrôle par une autorité contractante, soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par une autorité contractante. Les sociétés d'État et les sociétés à participation publique majoritaire relèvent de cette catégorie d'autorités contractantes ; 
  • les personnes morales de droit privé constituées par des autorités contractantes en vue de réaliser certaines activités en commun.

La précision du champ d’application de la directive

Les dispositions de la directive sont circonscrites à des Partenariats Public-Privé précis. Sont ainsi exclus du champ d’application de la directive, les Partenariats Public-Privé :

  • ayant pour objet des besoins de défense et de sécurité nationale exigeant le secret ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l'État est incompatible avec des mesures de publicité. Ce type de Partenariats Public-Privé est soumis à des procédures spécifiques définies par les États membres et attribués à des opérateurs économiques en vertu des droits exclusifs octroyés par des dispositions législatives nationales ;
  • conclus avec un opérateur économique avec lequel l'autorité contractante entretient une relation de quasi-régie lorsque les conditions suivantes sont réunies :
    • l'autorité contractante exerce sur l'opérateur économique un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services, dans les conditions définies par les États membres
    • l'opérateur économique contrôlé réalise au moins 80% de son activité dans le cadre des tâches qui lui sont confiées par l'autorité contractante qui la contrôle ou par d'autres personnes morales que cette autorité contractante contrôle ;
    • l'opérateur économique contrôlé ne comporte pas de participation directe de capitaux privés, à l'exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par les dispositions législatives nationales, conformément aux dispositions de l'article 88 du Traité modifié de I'UEMOA, qui permettent pas d'exercer une influence décisive sur l'opérateur économique contrôlé.

L’aménagement de la période post-contractuelle

La directive aménage toutes les étapes post-contractuelles du partenariat public-privé allant de l’identification et la priorisation des projets jusqu’à l’évaluation. Par ailleurs, l’admission des situations spécifiques de procédures de passation de Partenariats Public-Privé est prise en compte car, la directive officialise les procédures spécifiques notamment : les offres spontanées et les procédures de passation simplifiées.

Le renforcement de la transparence est également visible car, la directive la renforce dans tout le processus de passation des Partenariats Public-Privé : Communications et échanges d'informations, avis de pré-information, avis de publicité préalable et avis de distribution. Dans le même temps, on remarque l’aménagement des modalités d’organisation des opérateurs économiques dans la mesure où avec la directive, les situations de regroupement (consortium) des opérateurs économiques en vue de la participation à la passation d’un Partenariat Public-Privé sont admises autant que la sous-traitance.

L’admission formelle des petites et moyennes entreprises communautaires aux Partenariats Public-Privé est à saluer. Dans l'avis de publicité préalable ou dans les documents de la consultation, l'autorité contractante demande aux candidats et aux soumissionnaires d'indiquer, dans leur offre, la part d'exécution du contrat qu'ils s'engagent à réserver à des petites et moyennes entreprises communautaires, ainsi que les modalités du transfert de technologie et de compétences proposées.

L’aménagement des délais

À compter de la publication de l'avis de publicité préalable ou de la date d'envoi de l'invitation à soumissionner, le délai de réception des candidatures ou des offres ne peut être inférieur à trente (30) jours calendaires pour les Partenariats Public-Privé dont la valeur estimée hors taxes, calculée conformément à l'article 3, est inférieure au seuil prévu à l'article 18, et quarante-cinq (45) jours calendaires pour les Partenariats Public-Privé dont la valeur estimée hors taxes, calculée conformément à l'article 3, est supérieure au seuil , prévu à l'article 18.

Les autorités contractantes fixent les délais de réception des candidatures et des offres en tenant compte de la complexité du Partenariat Public-Privé et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leur candidature et/ou leur offre. Les délais de réception des candidatures ou des offres peuvent être raccourcis de sept (07) jours calendaires, dès lors qu'elles peuvent être transmises par voie électronique.

Pour ce qui est de l’identification des clauses contractuelles prioritaires, suivant la directive, le contrat doit notamment comporter, des clauses relatives à l'objet, au périmètre des missions confiées et à leur description ; aux conditions de modification du contrat par voie d'avenant ; aux conditions et conséquences du partage et du transfert des risques entre les parties ; aux garanties et autres sûretés, notamment celles constituées conformément à l'Acte Uniforme portant organisation des sûretés de I'OHADA, ainsi que les polices d'assurance que le titulaire est tenu de souscrire auprès d'assureurs domiciliés sur le territoire de l'État membre concerné par le projet  ou encore aux conditions et conséquences de la fin, anticipée ou non, du contrat, sur la propriété des ouvrages, le transfert des technologies et, le cas échéant, les droits de propriété intellectuelle et au droit applicable et aux modalités de prévention et de règlement des différends ainsi qu’aux conditions dans lesquelles il peut, le cas échéant, être fait recours à l'arbitrage ou à d'autres modes alternatifs de règlement des différends.

On remarque aussi l’aménagement de la nature des biens réalisés, acquis ou apportés par le titulaire dès lors que la directive prescrit un classement des biens en biens de retour, biens de reprise et biens propres. De même, ce texte porte l’aménagement du régime de modification du Partenariat Public-Privé en précisant que les Partenariats Public-Privé peuvent être modifiés, notamment pour des motifs d'intérêt général, ou en cas de modification de la durée du contrat, ou des obligations contractuelles des parties au contrat. Les modifications ne sauraient avoir pour effet de modifier substantiellement l'économie générale du contrat.

Règlement des différends

L’aménagement d’une procédure de règlement des différends survenus en phase de passation est précisée dans le texte. Ainsi, les candidats et soumissionnaires peuvent saisir l'autorité chargée de la fonction de contrôle à posteriori des procédures de passation des Partenariats Public-Privé et de régulation desdits Partenariats Public-Privé. 

In fine, l’entrée en scène de cette nouvelle directive dans le paysage de l’UEMOA est de bon ton pour l’attraction des investisseurs dans l’espace UEMOA. Les États membres disposent d’un délai de 03 ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente Directive, pour prendre des dispositions législatives, réglementaires et administratives visant à se conformer à celle-ci.