CAMEROUN | BLANCHIMENT DES CAPITAUX : Un guide précise les règles d’identification des bénéficiaires effectifs des opérations financières


Willy ZOGO   |   


Depuis octobre 2022, le Cameroun, à travers son ministère des Finances, a finalisé et rendu exécutoire un guide de mise en œuvre du standard du bénéficiaire effectif (BE) au Cameroun. Le pays entend ainsi se conformer aux standards communautaires et internationaux. Comprendre !

Le bénéficiaire effectif désigne, au sens du droit national camerounais, la ou les personnes physiques qui en dernier lieu possèdent ou contrôlent un client et/ou la personne physique ou morale pour le compte de laquelle une opération est effectuée. Cela comprend également les personnes qui exercent en dernier lieu un contrôle effectif sur une personne morale ou une construction juridique. Les expressions « en dernier lieu possèdent ou contrôlent › et ‹‹ exercent en dernier lieu un contrôle effectif » désignent les situations où la propriété ou le contrôle sont exercés par le biais d'une chaîne de propriété ou par toute autre forme de contrôle autre que directe. Il peut aussi concerner les dirigeants principaux d’une personne morale ou construction juridique.

Selon les autorités, un bénéficiaire effectif ne pouvant être qu'une personne physique, le bénéficiaire effectif de toute entité légale telle une société ou une construction juridique devrait pouvoir être identifié au-delà de la structure juridique de propriété De plus, il peut y avoir plus d'un bénéficiaire effectif pour une entité ou pour une construction juridique. Un bénéficiaire effectif peut avoir le contrôle d'une entreprise par plusieurs mécanismes, directs ou indirect. Les chaînes de propriété constituent une forme courante de contrôle indirect.

De manière concrète, on considère comme bénéficiaire effectif, la ou les personnes physiques (agissant seules ou conjointement) exerçant en dernier ressort, un contrôle sur la société par le biais d'une participation (directe ou indirecte) à hauteur d'au moins 20 % (qu'il s'agisse d'actions, de droits de vote, d'un droit de propriété ou de tout autre droit).

La base juridique de l'exigence de la disponibilité de ces renseignements est assurée au Cameroun par le Règlement N°01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril 2016 portant Prevention et Répression du Blanchiment des Capitaux et du Financement du Terrorisme et de la Prolifération en Afrique Centrale (« Règlement LBC/FT »), qui a force de loi et est d'application directe dans tous les Etats- membres de la CEMAC, sans qu’i1 soit nécessaire de les transposer en droit. Ce Règlement LBC/FT est complété par les dispositions des Actes Uniformes OHADA concernés, notamment en matière de conservation, de mise à jour et d'accessibilité des renseignements sur la constitution des personnes morales et constructions.

Le Guide rendu exécutoire par le MINFI « a vocation à expliquer la norme internationale de transparence sur le bénéficiaire effectif, à préciser les exigences en la matière et à promouvoir une pratique uniforme de ce standard par les professionnels assujettis. Dans cette perspective, il précise les orientations et les modalités pratiques pour l'implémentation de ce standard dans le contexte camerounais. Le guide porte sur le cadre juridique de la notion du bénéficiaire effectif et les obligations des professions assujetties à la réglementation LBC/FT en matière de bénéficiaire ».

Dans ce sens, les recommandations 24 et 25 du GAFI relèvent que les pays sont tenus de mettre en place des mesures garantissant que les personnes morales et constructions juridiques ne sont pas utilisées à des fins illicites telles que le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme, ou encore la fraude. De plus, les pays doivent ainsi s’assurer que des informations satisfaisantes, exactes et à jour sur les bénéficiaires effectifs et sur le contrôle des personnes morales et des constructions juridiques (trusts et fiducies) puissent être obtenues ou soient accessibles en temps opportun par les autorités compétentes. Par ailleurs, les pays devraient prendre des mesures pour obliger les assujettis à mettre en œuvre des mesures de vigilance à l'égard de leur clientèle lorsqu'ils établissent des relations d'affaires.

LES PERSONNES ASSUJETTIES

Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement LBC/FT CEMAC de 2016, plusieurs organismes et professions sont assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération et, par ricochet, à l'obligation d'indentification de la clientèle ainsi que du bénéficiaire effectif. Parmi ces assujettis, on retrouve :

  • les institutions financières (Banques, Assurances, Sociétés de bourse, OPCVM),
  • les apporteurs d'affaires aux institutions financières,
  • les prestataires de services aux sociétés et fiducies,
  • les agents et promoteurs immobiliers,
  • les Organismes à But Non Lucratifs (OBNL),
  • les casinos et autres établissements de jeux y compris les lotteries nationales,
  • les concessionnaires automobiles,
  • les changeurs manuels,
  • les entreprises de transport et de transfert des fonds et valeurs,
  • 1es auditeurs externes,
  • Les experts comptables,
  • les conseillers fiscaux, ainsi que
  • les avocats,
  • les notaires,
  • les huissiers de justice et
  • les autres membres des professions juridiques indépendantes, notamment les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires et les commissaires-priseurs.

CAS DES OPCVM

Le guide se veut très pratique et propose à ce titre des cas concrets à l’instar des BE des OPCVM. Si le client est un Organisme de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM), l'assujetti doit considérer comme bénéficiaires effectifs, les personnes physiques qui :

  • Soit, détiennent, directement ou indirectement, plus de 20 % des parts ou actions ou droits de vote de 1’OPCVM. Le calcul de ce pourcentage prenant en compte la chaîne de détention ;
  • Soit, exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur 1’OPCVM ; c’est-à-dire lorsqu'elles déterminent en fait, par les droits de vote dont elles disposent, les décisions dans les assemblées générales du placement collectif ou lorsqu'elles sont associées ou actionnaires de l'OPCVM et disposent du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de ce placement collectif, ou si ce dernier n'est pas une société, sur la société de gestion ;  

Par ailleurs, lorsqu'aucune personne physique n'a pu être identifiée selon les critères précédents, et que l'assujetti n'a pas de soupçon de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme à l'égard de l'OPCVM, le bénéficiaire effectif est :

  • lorsque l'OPCVM est une société, la ou les personnes physiques représentants légaux (exemple, du directeur général des sociétés anonymes à conseil d'administration ou du président des sociétés par actions simplifiées) ; ou
  • lorsque cet OPCVM est géré par une société de gestion, la ou les personnes physiques dirigeant effectivement cette société de gestion ; ou
  • lorsque l'OPCVM n'est pas une société, la ou les personnes physiques dirigeant effectivement la société de gestion de portefeuille.

 POSTURE

Le Cameroun s’aligne ainsi sur l’exigence selon laquelle, lorsqu’il est manifestement impossible à un assujetti de connaitre qui est le bénéficiaire effectif d'une société ou d'une entité, il ne peut établir, ni poursuivre la relation d'affaires, et ne doit par conséquent, effectuer aucune opération pour le compte de ce client. Si la relation d'affaires a néanmoins déjà été établie, l'assujetti y met immédiatement un terme et en informe l'ANIF, à travers une déclaration de soupçon.

Au reste, le contrôle du respect des obligations des assujettis en matière de bénéficiaire effectif dans le cadre de la réglementation anti-blanchiment des capitaux et, le cas échéant, le pouvoir de sanction en cas de non-respect de celles-ci sont assurés par les autorités de supervision respectives. Les autorités de supervision se partage la compétence en matière de sanctions administratives applicables contre les assujettis à la réglementation anti-blanchiment des capitaux dont elle assure la supervision.