CEMAC : La BEAC évoque l'achat des cryptoactifs par monnaie électronique et la protection des consommateurs fintechs


Par Willy ZOGO |


Dans son rapport sur les services de paiement dans la CEMAC en 2022 rendu public, la BEAC constate plus de 23 332 milliards de FCFA échangés par mobile money et 37,5 millions de comptes ouverts en 2022 en CEMAC. Mais aussi, plusieurs aspects pratiques de droit des Fintechs sont abordées.

Les aspects juridiques de ce rapport 2022 de la BEAC sont divers et comptent entre autres, la conversion des cryptoactifs en FCFA ainsi l’applicabilité de règles de protection des consommateurs bancaires aux consommateurs des services de paiement y compris de mobile money.

LES CRYPTOACTIFS ET LES ENCAISSEMENTS EN FCFA Y COMPRIS VIA MOBILE MONEY

Pour la BEAC, le constat est le suivant, les cryptos actifs sont en vente ou s’échangent librement entre les citoyens de la CEMAC notamment à l’occasion des actions de promotion des plateformes de transaction en crypto monnaie à travers des affiches publicitaires et le sponsoring des grands évènements.

CARTE DE PAIEMENT ET CRYPTO : De plus, pour acquérir des cryptos actifs, les usagers utilisaient leurs cartes bancaires alors que progressivement la plupart des banques, après analyse des risques sur ces transactions, ont bloqué les transactions sur les plateformes d’échange de cryptomonnaie avec les cartes de paiement.

MOBILE MONEY ET CRYPTO : Dès lors, les acheteurs de crypto actifs se sont alors tourné vers le Mobile Money lorsqu’ils ne peuvent pas utiliser les espèces. Quelques agrégateurs de paiement, intégrés dans les plateformes de Mobile Money, permettaient d’acquérir des crypto monnaies en payant avec cet instrument.

Selon la banque centrale, l’achat des cryptos actifs avec la monnaie électronique, le cash ou les virements bancaires (non justifiés) sont des transactions de personne à personne (transfert d’argent), qui peuvent être totalement transparentes auprès des établissements teneur de compte. De ce fait, il leur est très difficile de les identifier et de rapporter fidèlement l’ampleur du phénomène auprès des autorités de régulation. Aussi, même si la Banque Centrale est consciente de l’attrait de plus en plus grandissante des crypto monnaies auprès des populations, il ne lui est pas possible de quantifier ce phénomène de manière fiable.

La BEAC note aussi que les cas d’usage des cryptoactifs pour acheter des biens et services sont encore marginaux (boutiques qui affichent clairement qu’elles acceptent des crypto monnaies comme moyen de paiement) et que les cryptoactifs acquises sont donc utilisées à des fins de spéculation, pour s’affranchir des exigences de la règlementation de change, pour détenir des devises (stable coins adossés au dollar notamment) et éventuellement pour des opérations illicites (blanchiment d’argent).

Avec l’essor des crypto-actifs et l’intérêt manifesté publiquement par certains Etats pour une monnaie numérique (le Cameroun, la Centrafrique et le Congo notamment), le Conseil d'Administration de la BEAC, réuni en session extraordinaire du 20 juillet 2022 a encouragé la Banque Centrale à poursuivre les actions en faveur de l'inclusion financière et de la modernisation de ses infrastructures ainsi que la réflexion visant à créer une Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC).

 

NORME DE PROTECTION DU CONSOMMATEUR ET MOBILE MONEY

L’une des questions qui taraudent l’esprit des analystes du droit des Fintechs en CEMAC tient de savoir comment le Règlement N°01/20/CEMAC/UMAC/COBAC du 03 juillet 2020 relatif à la protection des consommateurs des produits et services bancaires dans la CEMAC va s’accommoder dans la pratique des services de paiement encadrés depuis le Règlement N°04/18/CEMAC/UMAC/ COBAC du 21 décembre 2018, relatif aux services de paiement dans la CEMAC ?

Comme le sait, le texte de 2018 traite de trois types d’établissement fournisseur de services de paiement, regroupés sous l’appellation de « prestataires des services de paiement », seuls habilités à fournir les services de paiement dans la CEMAC, à titre de profession habituelle :

  • les établissements de crédit,
  • les établissements de microfinance et désormais
  • les établissements de paiement.

La nouvelle catégorie dénommée « établissement de paiement » est soumise à la même réglementation que les établissements financiers, sous réserve des dispositions particulières définies dans le Règlement COBAC R-2019/02 relatif aux normes prudentielles applicables aux établissements de paiement.

 Selon la BEAC, « la création de la catégorie nouvelle des établissements de paiement vise à responsabiliser les opérateurs de télécommunications en les incitant d’une part à créer des filiales dédiées aux services de paiement et opérer par-là, une scission entre leurs activités de télécommunication et leurs activités financières et d’autre part, à réaliser ces opérations de mobile money de manière autonome, indépendante de toute banque si telle est leur décision stratégique, étant entendu qu’ils peuvent choisir de continuer à demeurer des simples prestataires techniques pour un PSP émetteur de monnaie électronique. »

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Le rapport de la BEAC apporte un début de réponse et indique in fine que « les services de paiement qui ne sont pas visés par l’article 5 du Règlement N°01/20/CEMAC/UMAC/COBAC relatif à la protection des consommateurs des produits et services bancaires dans la CEMAC et le Règlement COBAC R-2020/04 relatif au service bancaire minimum garanti, sont facturés librement par les prestataires de service de paiement. »

Globalement, en CEMAC, les services de paiement reposent sur les instruments suivants : le chèque, la lettre de change, le billet à ordre, le prélèvement, la carte de paiement, le virement classique, la monnaie électronique (Mobile Money).

En rappel, le Mobile Money est entendu ici comme l’utilisation de la téléphonie mobile pour réaliser des transactions financières par monnaie électronique ou des virements instantanés. Pour sa part, le porte-monnaie électronique est un instrument comportant une mémoire informatique (téléphone, ordinateur, token, etc.) permettant de stocker des unités de valeur monétaire et d’initier des ordres de virement /paiement au débit d’un compte, au profit d’un autre.

Ce service de paiement est considéré comme un véritable catalyseur de l’inclusion financière, du développement de la numérisation ou digitalisation des paiements et par là, du développement des économies africaines. C’est le moyen de paiement prédominant à l’origine de l’ouverture de 98% des comptes de paiement.