DROIT | FINTECH : Mtn et Orange Money ; Que devient l’argent des clients morts ou disparus?

Les réseaux sociaux font état des inquiétudes des clients de mobile money. Si Orange Money et Mtn Mobile Money n’ont pas répondu, c’est certainement parce que leurs contrats avec les utilisateurs ont prévu (diversement) des règles sur le processus de récupération des dépôts effectués par des clients décédés ou disparus…Analyse…

La question revient sans cesse sur Facebook et Whatsapp, pour ne citer que ces deux réseaux sociaux. Que devient le dépôt des clients disparus ou décédés ? Qu’en est-il notamment si aucun proche ou les ayants-droits légaux ignorent l’existence du compte de monnaie électronique qu’ils détenaient de leur vivant auprès d’Orange ou de MTN ?

La confusion qui existe dans l’esprit des consommateurs est, entre autres, entretenue par des facteurs tel que le manque de reflexe d’exiger et de lire le contrat de fourniture de service Orange ou MTN mobile Money. Sur cela, les fournisseurs que sont justement Orange et Mtn (et leurs partenaires) doivent, eux aussi, veuillez à ce que le client prenne l’information.

Cette confusion n’est pas insoluble. En d’autres termes, elle peut être traitée, telle est l’ambition de ce billet.

D’une part, le compte Orange ou MTN mobile money est avant tout un compte d’épargne et en cela, il n’est pas souvent si éloigné des règles juridiques des comptes bancaires même si, le fait de l’électronique et de la dématérialisation apporte une spécificité non négligeable.

Que disent les contrats d’Orange et MTN mobile money ?

Si les contrats de mobile money (qui sont en réalité appelés conditions générales et qui sont adossés au formulaire de souscription que le client remplit et signe) ont tendance à disparaitre sous leur forme papier (à cause des besoins de facilité et de rapidité), pour peu qu’on les cherche, on peut encore les trouver et lire ce qui concerne les titulaires de comptes disparus ou morts.

Pour MTN, (contrat porteur/MoMo) :

Article 6 du contrat porteur : Le Compte MoMo est suspendu en cas d’absence de transaction pendant une période de cinq mois. Il peut être clôturé à la demande du porteur ou en cas de comportement répréhensible du porteur, notamment l’utilisation du compte à des fins frauduleuses ou en cas de décès du porteur. En cas de suspension ou de clôture du compte MoMo, le solde du compte MoMo est mis à la disposition du porteur aux guichets sur présentation des pièces d’identification et toutes autres pièces exigées pour remboursement. « Les soldes des comptes MoMo inactifs pendant 5 mois sont retournés à la banque pour transfert à l’organisme en charge des comptes bancaires dormants ».

En d’autres termes, pour MoMo, si une personne titulaire de compte décède, et que personne ne vient réclamer après 5 mois, le compte est suspendu et l’argent est envoyé à Afriland first Bank, sa banque partenaire dans le mobile money. Et la banque informe et envoie l’argent au trésor (en principe) pour attendre une éventuelle procédure de succession. Mais cette procédure lourde correspond davantage aux comptes dormants des banques pour des délais de 8 à 30 ans. Pour le mobile money, il faut la rendre soft.

Par contre, si les héritiers sont au courant du compte, ils doivent produire une pièce pour se faire rembourser. Le contrat MoMo ne le dit pas clairement, mais dans ce cas, pour ne pas engager sa responsabilité, MTN doit remettre l’argent à l’héritier que le testament ou le jugement du tribunal et la décision de partage désignent.

Pour Orange Money :

Article 4 des conditions spécifiques Orange Money. L’accord MBS  c'est-à-dire Mobile Banking System, en langage simple, « Mobile Money », mentionne comment le contrat passé avec les clients tient compte de la succession en cas de décès.

Concrètement, selon l’article 4.2 du contrat Orange Money : « Le compte est individuel et seul un utilisateur, dont le domicile est situé au Cameroun et ayant un accès mobile peut en être titulaire ». L’article 4.4 avance que : « Le décès de l’utilisateur entraîne le blocage de [l’argent] figurant sur le compte jusqu’à l’issue des opérations de liquidation dans le respect de la loi applicable ».

En d’autres termes, la liquidation ici renvoie aux règles des successions et d’héritage en droit camerounais. Ces règles doivent être les mêmes qu’en matière bancaire. Concrètement, le compte est bloqué dès qu’Orange ou Mtn est informé du décès ou de la disparition du titulaire du compte. Cela ce fait par soit par un proche qui doit attester du décès par un certificat de décès ou genre de mort  ou acte de décès établi, soit par un notaire en charge des affaires du mort ou du disparu. C’est alors que le compte est bloqué, Orange n’enregistre alors plus aucun dépôt ni autorise de prélèvement. Ensuite, l’affaire est du ressort du juge des successions qui statue et rend un jugement d’hérédité pour établir la succession. Par la suite,  les sommes sont débloquées et peuvent par exemple être distribuées aux héritiers en fonction des décisions du juge ou du testament du défunt.

Il y a-t-il donc un gros souci si le client utilisateur d’Orange et MTN mobile Money décède sans avoir révélé à la famille l’existence d’un compte ou son code d’accès ?

C’est à ce niveau que les consommateurs continuent de penser que la situation profite à l’opérateur de téléphonie. Concrètement, ils allèguent que, l’opérateur en cas de disparition du client peut éviter de lancer un investissement à la recherche des ayants-droits.

On peut souvent lire une autre analyse critique en ce sens : « L’inquiétude procède de ce que, au moment de la signature du contrat, le formulaire de souscription ne prévoit pas d’espace pour contacter une personne proche. Cela permettrait d’entamer rapidement la procédure ou dans une meilleure option, une personne en faveur de laquelle sera débloquée la somme tenue en compte, un peu comme une assurance-décès ».

Certains invoquent la loi-cadre n° 2011/012 du 6 mai 2011 portant protection du consommateur au Cameroun pour rappeler à Orange et MTN l’obligation d’information des consommateurs sur les produits Orange Money et MTN Mobile Money. « Chaque fournisseur ou prestataire d’une technologie, d’un bien ou d’un service doit fournir au consommateur, en français et en anglais, une information juste, suffisante, claire et lisible concernant les biens et services offerts afin de lui permettre de faire des choix adéquats et raisonnables avant la conclusion d’un contrat » dispose l’article 13.

En tout état de cause, Orange et Mtn doivent alors intégrer dans les contrats de mobile money, une obligation de personnes à contacter en cas de décès ou de disparition (présumés lorsqu’un compte fourni n’est pas utilisé par son titulaire après un délai, si chez MTN le délai est de 5 mois, chez Orange, il n’y a pas de précision).

Ce qui serait plus simple

Au moment de l’achat d’une carte SIM, MTN et Orange identifient les personnes à contacter en cas d’urgence. Au minimum, celles-ci doivent automatiquement être contactées en cas de silence sur un compte de mobile money et ce par le fait de la loi.

Peut-être faut-il que la loi de 2011 soit détaillée par un décret prenant spécifiquement en compte la protection des consommateurs de fintech, entendre finance électronique.

L’un dans l’autre, il faut savoir que selon le Règlement N° 01/11-CEMAC/UMAC/CM relatif à l’exercice de l’activité d’émission de monnaie électronique, c’est la BEAC (Banque des Etats de l’Afrique Centrale) et la COBAC (Commission bancaire d’Afrique centrale) qui sont les deux gendarmes du Mobile Money. A cela, il faut ajouter l’ART (Agence de Régulation des Télécommunications) et aussi la future Agence Nationale de protection des consommateurs prévue par la loi de 2011 suscitée.

Dans cette régulation (surveillance et contrôle), la BEAC surveille la technologie financière utilisée et la COBAC, le respect de la déontologie. L’ART devrait les accompagner ainsi que l’Agence précitée. En tout état de cause, selon l’article 5 du Règlement précité, au moment de demander l’autorisation de faire du Mobile Money, MTN et Orange doivent envoyer des copies des contrats (conditions générales) à la BEAC. En d’autres termes, la BEAC sait et valide les contrats, c’est donc à elle et à la COBAC d’imposer une obligation de contacter les héritiers. Enfin, il faut que les familles adoptent le reflexe de vérifier si le défunt a des comptes de Mobile Money, en contactant MTN et Orange. La responsabilité dans cette affaire est donc commune, quoi qu’inégale, car les contrats de Mobile Money sont des contrats d’adhésion, c'est-à-dire entre un fort et un faible, un pot de fer contre un pot de terre.

En somme,

 D’une part, MTN renvoie l’argent du client décédé à sa banque qui l’envoie au trésor et Orange bloque l’argent en attendant que la famille vienne le réclamer !

 D’autre part, Orange doit clairement s’imposer un délai (exemple 6 mois) pour informer la famille, et MTN doit informer la famille plutôt que la banque (sinon les deux en même temps). En outre, une personne à contacter doit être exigée dans les contrats de mobile money.

La BEAC et la COBAC doivent veiller à cela !

Willy Stéphane ZOGO  / (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)