CAMEROUN : Que dit la nouvelle loi de juillet 2023 sur la protection des enfants en ligne ?


Par Roméo PIANGO |


Le droit des technologies de l’information et de la communication au Cameroun s’est enrichi le 25 juillet dernier d’un nouveau cadre juridique visant à prévenir, atténuer et répondre aux risques liés à l'internet par les personnes âgées de moins de dix-huit ans. Il s’agit de la loi n°2023/009 du 25 juillet 2023 portant charte de protection des enfants en ligne au Cameroun. Comprendre.

C’est à la faveur de la protection d’une partie vulnérable en ligne que le législateur Camerounais a mis sur pied la charte de protection des enfants en ligne. L’originalité de ce texte réside dans le fait qu’il se singularise tant de par sa forme et se particularise de par son fond.

ASPECTS DE FORME 

Sur la forme, ce texte est doté de 49 (quarante-neuf) articles, répartis en 04 (quatre) chapitres, 05 (cinq) sections et 02 (deux) paragraphes. Le chapitre premier intitulé ‘’dispositions générales’’ est constitué de 03 (trois) chapitres qui non seulement font la présentation de la présente loi tout en définissant les notions essentielles. Le second chapitre quant à lui intitulé ‘’du rôle des pouvoirs public et du secteur privé’’ est constitué d’une dizaine d’articles qui mettent en exergue la contribution des différents intervenants pour rendre le cyberespace national plus sécurisé pour les enfants. Relativement au troisième chapitre, portant sur ‘’la responsabilité des intervenants dans le cyberespace et des sanctions’’, constitué de pratiquement 33 (trente-trois) et met en exergue les obligations des différents intervenants du cyberespace, les sanctions administratives ainsi que les procédures et sanctions pénales. Le dernier chapitre de cette loi constitué de 03 (trois) articles est intitulé ‘’dispositions diverse et finales’’.

ASPECTS DE FOND

Le texte met en exergue les mesures visant à prévenir, atténuer et répondre aux risques liés à l’utilisation d’internet par toute personne âgée de moins de 18 (dix-huit) ans. Après avoir parlé du cadre d’application de la présente, des définitions des notions essentielles vont être effectuées à l’instar de  que contenu inapproprié, contrôle parental, cybercriminalité, cyberespace, enfant, fournisseur d’accès à internet, fournisseur des contenus, fournisseurs de moteurs de recherches, gérant de cybercafé, internet, média social, opérateur des communications électroniques, organe chargé de la régulation des technologies de l’information et de la communication, pédophilie, pédopornographie, promoteur de réseau social, protection, réseau social, système d’information et enfin TIC.

Ce texte mettra également à nu le rôle des pouvoirs publics et du secteur privé. L’article 4 de cette loi dispose clairement que : « les pouvoirs publics veillent à la mise en place d’un cadre adéquat pour l’utilisation sécurisée d’internet par les enfants », ces pouvoirs publics sont constitués à titre principal du ministre en charge des télécommunications, en collaboration avec d’autres ministres en charge de l’éducation, de la jeunesse, de la femme et de la famille, des affaires sociales, de la communication ; ainsi que l’organe chargé de la régulation des TIC à savoir l’Agence Nationale des Technologies de l’Information et de la Communication (ANTIC). Le cadre d’intervention de ces différents organe est bien défini dans les articles 6 à 10 ; sans omettre la mise sur pied du plan d’action national de protection des enfants en ligne visant notamment à : garantir à l’enfant un accès sécurisé à l’internet pour son apprentissage, le développement de ses potentiels et son épanouissement ; sensibiliser les acteurs de la chaine de protection des enfants contres les effets pervers de l’internet et enfin prendre en compte la protection des enfants dans le traitement et la diffusion des informations par les professionnels de l’audiovisuel. Confer l’article 5.

Le secteur privé a également un rôle majeur à jouer dans cet élan de protection de l’enfant dans le cyberespace, à travers le respect des droits de l’enfant et la prévention ou remédiation aux incidences négatives sur ces droits directement liés à leurs opérations, leurs produits et leurs services ; à travers la participation à la sensibilisation et à la formation des enfants, des familles et des communautés en donnant notamment des informations précises sur les sites non éligibles aux enfants;  via des prises de mesures lors de leurs offres de services, pour réduire la disponibilité et l’accès aux contenus portant atteinte à la dignité et à l’intégrité des enfants.

Pour ce qui est de la responsabilité des intervenants dans le cyberespace et des sanctions, le législateur prévoit préalablement deux types d’obligations générales et spécifiques pour les intervenants ; c’est la substances des articles 14 à 26 de la présente loi. Comme obligations générales, les intervenants à la demande des autorités compétentes doivent suspendre l’accès à internet, à leur contenu numérique ou réseau social à un consommateur qui est à l’origine de la publication d’un contenu portant atteinte à la dignité et à l’intégrité des enfants, mettre fin à l’indexation des contenus portant atteinte à la dignité et à l’intégrité des infants ; porter à la connaissance des autorités compétentes tous les actes de pédopornographie et de suspendre les sites identifiés comme portant atteinte à la dignité des enfants ; de respecter la règlementation en vigueur en matière de protection des droits des enfants. La publicité en ligne, sauf motif légitime, ne doit pas présenter des enfants en situation de vulnérabilité ; exploiter l’inexpérience ou la naïveté des enfants ; ne doit non plus ni exploiter, ni altérer ou tendre à ruine la confiance ou le respect que les enfants ont envers leurs parents, leurs éducateurs ou d’autres personnes ayant en charge leur formation morale ou intellectuelle.

En ce qui concerne les obligations spécifiques, elles peuvent aller de la mise à la disposition des utilisateurs des guides, des mécanismes de signalement des contenus, des dispositifs de contrôle parental ; la mise en place d’un système de paramétrage en vue du respect de la vie privée lorsque les données concernent l’enfant ; la promotion des mécanismes de signalement des publications portant atteinte à la dignité et à l’intégrité des enfants ; etc.…

CADRE DES SANCTIONS PENALES 

Lorsque les intervenants n’ont pas respecté leurs obligations, la présente charte de protection des enfants en ligna au Cameroun prévoit deux types de sanctions à savoir administrative et pénale. Pour ce qui est des sanctions administratives, il faut au préalable que les atteintes aux droits des enfants ne constituent pas des infractions pénales, alors là, l’ANTIC procède par une mise en demeure de se conformer dans un délai de 15 (quinze) jours confer article 28 de la présente loi. Lorsque la mise ne demeure n’est pas respectée, ce même organe prononce à l’encontre des intervenants une pénalité compris entre 01 (un) million et 10 (dix) millions de FCFA.

Pour ce qui est de la procédure et des sanctions pénales, comme moyens de preuves, peuvent être recevables les enregistrements audio, vidéo ou tout autre moyen de conservation électronique ; il en est de même de l’écrit sous forme électronique au même titre que celui sous forme papier dès lors que la personne dont il émane est dument identifiée et qu’il est établi et conservé dans des conditions de nature à garantir son intégrité. C’est la substance des articles 30 et 31 de la présente. L’article 32 énumère les autorités habilitées pour constater les infractions aux dispositions de la présente loi il s’agit des officiers de police judiciaire à compétence générale, les agents assermentés de l’organe chargé de la régulation des TIC ou des ministères en charges des télécommunications et de publicité.


A lire aussi : CAMEROUN | TRIBUNE ( Me Brice WAKAP) : Nouvelle loi sur le secteur ferroviaire : entre modernité et pesanteurs 


Ces procès-verbaux de constats ainsi que les objets et documents saisis sont transmis au procureur de la république sous huitaine. Pour ce qui est de la nature de la sanction pénale, elle peut aller des amendes aux peines d’emprisonnement sans omettre l’interdiction d’exercer des activités professionnelles ou sociales et même la fermeture temporaire de l’établissement ayant servi à commettre les faits incriminés. L’incrimination de l’infraction de corruption de la jeunesse telle que prévue à l’article 344 du code pénal est également retenue ici. Les dispositions des articles 33 aux articles 46 démontrent à suffire les différentes incriminations et sanctions prévues dans cette charte.

    En définitive, la mise sur pied d’une telle loi a pour objectif de garantir l’accès au cyberespace de manière sécurisée aux enfants ; et c’est la communion des efforts des pouvoirs publics et du secteur privé qui facilitera cela. Les obligations des intervenants étant respectés, cela concourra au même objectif, sinon des sanctions pouvant être administratives ou pénales leur sera appliquées ce qui renforcera d’avantage la protection des personnes de moins de dix-huit ans sur internet. Au regard du caractère opportun de cette loi, son application sera elle effective en l’état actuel du niveau du niveau de résistance des internautes et la précarité dans laquelle se trouvent certains intervenants ?